Plume d’aigle
A cette époque, je partageais la joie d’écrire des haïkus avec des enfants. Ils trouvaient leur nom de poète : taureau des neiges, océan aux mille vagues, plume d’aigle, papillon qui vole, mimosa … Je revenais souvent dans la même classe. Nous regardions la fumée rose dans le ciel au dessus de la cheminée, la crasse sur le linoléum, le toboggan vide pour cause de mauvaise saison, les yeux du poisson rouge… Nous écoutions les bruits de la ville et nos coeurs battants. Les haïkus s’écrivaient, se polissaient, s’émiettaient parfois sur la table, en confettis, pour mieux se retrouver.
Les voitures roulent
un corbeau sur une branche
je veux voler.
Je marche sur une ombre
est-ce la mienne ou la tienne
grand arbre ?
Sous la pluie
l’herbe est mouillée
au cristal
Une école autre
Cueille-là
ce n’est qu’une fleur
être vivant
''Sandra, Eléphant bleu''
Les branches craquent
le coucou dort
plaisir.
''Angélique, Chat angora''
Les cartes bigraphiques
Acheter le papier a été le plus simple, pas n’importe quel papier, tous ne conviennent pas au braille. Il faut d’abord imprimer les lettres en noir sinon le braille serait écrasé ! Ensuite pour le braille, il faut aller dans une imprimerie spécialisée. Les techniciens sont non-voyants. « A quoi ça sert une mise en page ? Pour nous, c’est inutile. Le beau papier aussi, c’est cher et ça ne sert à rien. » « Oui mais ce sont des cartes pour les non-voyants et pour les voyants, les parents, les frères et soeurs. Pour ceux qui voient, le braille c’est très beau mais si le texte est mis n’importe où sur la carte, ça enlève beaucoup, vous comprenez. Est-ce qu’on peut tout recommencer ??? » Les cartes seront superbes de l’avis des uns et des autres !
Le matin très tôt
en position de repos
je pense à mon futur.
''Luis-Philipe, petit esprit de la terre''
Mes yeux pleurent
je ne vois plus le jour
réveil.
''Liliane, fleur sur la vague''
La fête de fin d’année
Lisa est venue improviser sur les haïkus avec son violoncelle. « C’est simple, vous lisez un de vos haïkus, si Lisa a envie de jouer, elle le fait, sinon vous en lisez un autre. » Un comédien lit des extraits du journal de Bashô. Les enfants de 10 à 16 ans écoutent avec grande attention. La porte du préau s’ouvre doucement. Le directeur de l’institut entre, écoute à son tour, cinq, dix, quinze, trente minutes… Il regarde les yeux ronds ces adolescents ne perdant pas une miette du long voyage du poète jusqu’au coeur du vide et repart.
''Claire Landais, artiste multiforme (écriture et illustration de livres pour la jeunesse, poète et éditrice, voyageuse, conteuse, ...), a écrit trois ''''carnets de voyage tissés de poèmes dans l’esprit du haïku'' : A l’ombre de la lanterne et du moineau / Au pays du froid-chaud / Il ne faut pas rêver en Inde'', aux éditions Paupières de terr''''e.''
Copyright Claire Landais, 2008