Parler du haïku, non, des haïkus du silence tout en voulant montrer en quoi ils seraient proches du zen. Il faudrait d’abord ne pas en parler, ne rien broder à propos d’eux, seulement les lire, prendre son temps pour les relire à voix basse, pour reprendre son souffle, pour se relaxer, pour respirer à la façon de la méthode de zazen :
Employer tellement peu de mots, pour laisser beaucoup de place au non-dit (Note 1), entre les mots, car c’est justement le silence qui est juste, non perturbé par des parasites. Tenter d’approcher un art minimaliste, livré à bout de souffle, d’une seule expiration, sans laisser voir combien le travail a accompagné la création de ce rien :
Car ce silence est césure profonde, ici en troisième ligne blanche, juste après la première image qui permet au lecteur d’imaginer ce qu’il veut. Juste avant qu’un détail, en quatrième ligne, ne complète un décor toujours potentiellement ouvert. Car il y a ce flou, la personne n’étant pas désignée, son état non précisé.
Nous voici, ensuite, à la recherche de l’authenticité, à la recherche du réel ordinaire conjugué au présent immédiat, l’auteur livrant une photographie brute, floue, d’un instant bref, éphémère. Nous voici à la recherche de la simplicité, avec ce rejet de l’emploi des métaphores, avec ce rejet des artifices. À la recherche de l’art épuré, de l’art précis, de l’art de l’humilité et de l’effacement, l’art de l’équilibre, de la justesse de ton, l’art de l’esquisse, l’art de la suggestion…
Eviter l’emploi des adjectifs qualificatifs, lâcher prise.
Je pense à la poésie de Guillevic, à cette poésie du « il y a », poésie matérialiste du constat sans approfondir, sans rechercher les causes, encore moins les conséquences.
Dans cette modeste approche, je n’ai pas fait de différence entre le haïku ordinaire et le senryû, au lecteur de s’investir, s’il le souhaite, dans cette analyse complémentaire. L’essentiel est de conserver « l’esprit du haïku », qu’importe la forme pour permettre le rêve qui conduira, peut-être, au détachement (Note2).
S’intéresser aux petits, aux faibles, bien regarder autour de soi, s’attarder sur le minuscule.
Le temps passe, se poursuivent les cycles :
Et le détail précise un état, accepté :
Le satori… « Celui qui sait ne parle pas. »
PS. Je remercie Souad CHOUK pour l’aide apportée.
Notes
1 - « Juxtaposer deux images de façon inattendue et créer ainsi un espace libre pour l’imagination du lecteur.» (S. MABESOONE)
2 - « Les mots qu’on n’a pas dits sont les fleurs du silence. » (Proverbe japonais)
Copyright Marcel Peltier, 2008